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Faut-il enseigner et pratiquer des postures d'inversions et d'équilibre?

** Réponse à la question à la fin de l'article, suspeeeeeeeens.... **


Dans le fleuve qu'est le monde du yoga, il y a plusieurs écoles, plusieurs styles, donc plusieurs courant qui se séparent et se retrouvent, se rapprochent et s'éloignent dans une danse toujours changeante.


La plupart du temps, les courants s'écoulent tous en relative harmonie, se nourrissant et s'enrichissant les uns des autres. Parfois, les différents affluents se chambrent (plus ou moins gentiment), mais toujours avec un certain respect. C'est souvent, on peut le dire, un joyeux bordel.



Un delta.. Parce que pourquoi pas?




Il y a les maniaques de l'alignement et les spontané.e.s, il y a les immobiles et les fluides. Il y a celles ne jurent que par les caves dans la montagne et ceux qui enseignent dans la cacophonie des fitness.

Il y a ceux qui aiment la musique et celles qui s'épanouissent dans le silence.


Dans le murmure des conversations, j'entends souvent des remarques sur les dangers de certaines postures et ce qu'on devrait ou ne devrait pas enseigner. Et ça me fait pas mal réfléchir.


En effet, j'enseigne très régulièrement des ateliers d'inversions et d'équilibres sur les mains alors que certain.e professeur.e.s choisissent de leur coté de ne pas/plus le faire, ce qui est un choix que je respecte complètement (j'ai aussi arrêté d'enseigner certaines postures).


Lors de mon dernier atelier, une élève m'a carrément dit, pendant mon cours, alors que j'enseignais Sirsasana (posture sur la tête)"oh, mais vous ne devriez pas enseigner sirsasana à tout le monde!! Je le sais, je suis enseignante".


Je vais donc partager mes pensées sur le sujet.



Non, je n'enseigne pas ces postures parce que je n'y ai pas pensé, au contraire, j'y pense pas mal et je choisis de les enseigner délibérément.



Pourquoi enseigner et pratiquer les inversions et équilibres sur les mains ?


D'abord, il y a pas mal de bénéfices à ces postures, que je vous laisserai chercher par vous-même, vous trouverez ça dans la plupart des bons bouquins de yoga, comme l'APMB ou en demandant à Google.



Let me google that for you... Une pépite



Première raison: l'égo


Ces postures, tout d'abord, elles sont bonnes pour l'égo. Tiens tiens...


Je ne parle pas ici du boost d'égo du fait de poster des postures de bretzel en maillot sur la plage, je parle du fait que pour chacune de ces "jolies" postures, il y a moult chutes, pratique et persévérance.


Je ne peux parler que pour moi même, mais perso, je me suis fait des bleus, je me suis ramassée sur la moitié de mes meubles et je peux classer la plupart des surfaces terrestres par degré de moellure (je sais je sais, remplacez par moellosité si vous le préférez).

Par exemple, au hasard je ne recommande pas tellement la pratique de pincha mayurasana sur gravier.


Et puis, quoi de mieux pour l'égo que de se fracasser au milieu d'un cours de yoga?



et paf


Deuxièmement, parlons angas


D'après Patanjali et ses yogasutras, il y a huit (asta) membres (angas) au yoga, les yamas et niyamas en font partie. Et, chic chic, les inversions et équilibres sont l'occasion de les mettre en pratique.

Voici certaines pistes à explorer:

Tapas -> La discipline (pratique et discipline)

La pratique des postures d'équilibres demande une grande discipline. La colonne droite (handstand), pour moi, c'est une pratique quasi quotidienne depuis plusieurs années, et cela continue.


Ahimsa -> Non violence

Je ne vais pas vous faire un dessin, hein?


Santosa -> contentement (accepter d'être là où on en est)

Pour moi, être capable d'accepter les jours avec et les jours sans, d'observer et respecter les chagements dans ma pratique d'asanas est vraiment important.


** Petite note: il y a beaucoup à dire sur les angas et les yamas / niyamas, mais on en parlera un autre jour.



Et maintenant, la noix de coco


Connaissez vous l'histoire du corbeau et de la noix de coco?


C’est l’histoire d’un corbeau qui se pose sur la branche d’un palmier. Au moment exact où il se pose, une noix de coco tombe.

Cette histoire est racontée dans un texte appelé Yoga Vasistha, écrit entre le sixième et le quatorzième siècle.

La grande question est: est ce que la noix de coco tombe parce que le corbeau s'est posé ou non?

Et la réponse est: on s'en fiche. En effet, le corbeau ne peut pas contrôler la chute de la noix de coco, il ne peut que contrôler son vol.

Ce que nous désirons, c’est agir comme si le fruit de nos actions allait faire une différence, tout en partant du principe que nos actions ne feront peut-être aucune différence et n’auront aucun effet.

Le corbeau devrait continuer à se poser sur la branche qu’il soit responsable de la chute de la noix de coco ou non!

De même, nous voulons travailler vers un but, mais ne pas nous attacher au fruit de notre travail.


Donc tout ça, c'est bien beau, mais pas si facile à pratiquer.


Les inversions et les équilibres sont idéales pour comprendre et intégrer cette notion!! Il y a, et il y aura TOUJOURS une posture plus "difficile", plus compliquée, toujours.

Certaines postures prennent des années à prendre forme. Si on les pratique en étant obsédé.e par l'idée d'y "arriver", et bien le chemin va être un enfer.

Alors qu'en savourant tout le processus, en lâchant prise sur la forme idéale, on peut s'amuser beaucoup et profiter tout le long. Et si la noix de coco ne tombe jamais, et bien cela n'a que peu d'importance.



Tombera, tombera pas?


Pour finir


Et enfin, si le yoga est le processus d'apprendre à se connaître soi-même (...), est ce qu'on n'en apprend pas énormément en pratiquant des postures complexes?


On en apprend sur nos peurs (la peur de tomber, la peur d'échouer, le peur du ridicule), et on observe:

Comment est ce que je réagis quand les choses deviennent difficiles? Est ce que j'observe de la frustration, du calme, une envie de compétition, de la paresse, de la persévérance, du découragement, etc...?



Adho Mukha Vrksasana



Comment ne pas se tuer soi-même et rendre tou.te.s ses élèves handicapé.e.s?


D'abord on apprend à tomber.

On n'est bien sûr jamais à l'abri d'une mauvaise chute, mais ça peut aussi arriver ailleurs.


J'ai toujours eu peur pour mon nez dans padahastasana, pas vous?



Le terrifiant padahastasana (source: yogapedia)



Donc on apprend à tomber et c'est une bonne chose. On apprend aussi que tomber, ça ne veut pas dire échouer, ça fait partie du processus d'apprentissage et ce n'est pas forcément dramatique.

Après, il y a plein de choses à faire pour que tout le monde puisse s'amuser et pratiquer. Voici quelques pistes et contactez-moi si vous avez des questions plus précises:

- Responsabiliser les élèves, les encourager à s'écouter et à respecter leurs limites

- Donner des options (on peut faire de belles de variations de sirsasana sans mettre de poids sur la tête)

- Encourager ses élèves sans les couvrir de honte s'ils ne veulent pas tenter quelque chose

- Offrir aux élèves la possibilité de ne pas faire une posture si ils ou elles le désirent

- Etre présent.e pour les élèves qui ont besoin de plus d'encadrement

Et pour nous-même?

Et bien c'est pareil, apprenons à tomber avec le sourire et surtout à s'écouter, si ça se trouve, on va découvrir plein de choses et peut être même bien se marrer en chemin.


Alors alors, faut-il enseigner et pratiquer ces postures?


Si vous le voulez, oui.

Si vous ne le voulez pas, non.

Avec beaucoup d'amour,

Claire











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